Certains passages de l’Évangile nous interpellent plus que d’autres, et cela pour apparemment de bonnes raisons. Par exemple la cananéenne qui est comparée à un petit chien (Mt 15,26). Par exemple la réponse à Marie « Ceux-là sont mes frères » (Lc 8,21). Parce que nous avons pris le parti, tout au long de ces deux millénaires,du fait que ces textes sont choquants alors que d’autres nous laissent froid. Essayez d’accuser votre curé d’hypocrite et vous verrez toute la communauté crier au scandale. Que Jésus ait fait la même chose avec les pharisiens nous importe peu. Ce sont de toute façon eux les méchants.

Et pourtant la démarche est aussi forte dans un cas comme dans l’autre. Idem pour le petit chien : la communauté juive dans son ensemble considérait les païens comme impurs. L’image du chien nous parait trop forte, mais là encore il s’agit de décisions prises par l’histoire, et pas seulement dans la Torah. Un autre parti pris se révèle dans la parabole du fils prodigue. Tout, dans cette parabole, est choquant : le cadet qui ne respecte pas son père, le père qui, par amour, dilapide sa fortune pour satisfaire le fils, le cadet qui mène une vie de débauche, l’ainé qui se montre jaloux. Plutôt que d’en faire une démonstration de l’amour inconditionnel de Dieu, nous y voyons un mystère.

Alors, choqué ? Il me semble que c’est le but de la bonne nouvelle. Tout est scandale, surtout la croix. Mais pourquoi donc ? Nous sommes scandaleux, nous. Ces termes, ces qualificatifs et ces tortures, Jésus, dans son humanité, nous les a empruntés. Ce sont bien les hommes qui ont traités les chiens d’impurs et les païens de chiens. Ce sont bien les hommes qui ont fixés les règles que le Père du fils prodigue a transgressé. Ce sont encore les hommes qui ont organisé les mises à mort les plus odieuses. Il est peut-être temps d’apprendre à parler divin plutôt que de parler méchant.