L’intolérance laïque est-elle la seule supportable ? Peut-on accepter que l’on puisse se moquer de tout et de n’importe quoi ? Cette liberté laïque peut-elle piétiner la liberté d’autrui, qu’elle soit religieuse ou non ? L’absence de croyance spirituelle, ou plutôt la croyance en une absence de pratique religieuse est-elle le seul signe de liberté ? Un certain nombre de ces questions nous interroge, à juste titre d’ailleurs. La réponse qui me vient spontanément à l’esprit est la négative. En tant que croyant je me dois de revendiquer le droit à une foi et une pratique religieuse qui me sont propres. C’est évident.
Aussi évident que cela ? Pas sûr. Des excès comme les caricatures de Charlie Hebdo, pour ne citer que ce titre, représentent une idéologie anticléricale qui est si ce n’est assumée, du moins affichée. Celle-ci consiste à se moquer de toutes les religions et de toutes les têtes d’affiche médiatiquement porteuses. Du fait de leur nature humaine, ces responsables sont également en partie à l’origine de ces dénigrements, soit par leurs paroles ou pour leurs actes, parfois critiquable il faut bien l’avouer. Mais le questionnement se doit d’aller plus loin : les statistiques des plaintes pénales déposées contre ce titre sont révélatrices. Toutes les plaintes qui ont abouties ont été déposées par des individus. Donc l’injure contre une personne physique peut-être punie, mais pas contre des identités plus abstraites. Serait-ce un parti pris d’une certaine justice ? J’essaye d’imaginer une caricature sur laquelle on voit un président en exercice se voilant la face et disant « C’est dur d’être élu par des cons ». Pas la même chose ? Tiens … tiens …
De plus, ce titre, toujours pour ne citer que lui (avouez qu’il en redemande) se gargarise de ses victoires juridiques. Une page complète de son site web ne parle que de cela : liste de tous les procès qu’il a intenté ou qu’on lui a intenté. Eh oui, plus il y en a, plus ça fait jazzer. Pas d’importance si on mélange les pommes et les poires … On y trouve aussi bien des plaintes pour injures et diffamations que des affaires de copyright. Rien à voir ? Effectivement. D’autant plus que Charlie, toujours lui, a également « souffert » de l’application du droit. Son ancêtre et lui-même ont plusieurs fois été condamné par la censure. Non seulement ils ont été condamnés, mais ils ont continué sous le manteau, se fichant éperdument du droit, en tout cas à l’époque. Drôle de revirement.
Qu’en eut-il été sous un autre régime, sous un autre système ? Certains présidents encore actifs à l’heure où je vous parle, nous ont montré que la démocratie laïque n’est pas, à elle seule, une barrière contre l’intolérance et les abus de pouvoirs. Notre histoire est également parsemée de douleurs et d’erreurs inadmissibles dues aux religions. Mais qu’en est-il vraiment de ces autres « régimes » ? On peut citer la dictature, dans laquelle toutes les spiritualités qui ne sont pas en accord avec l’autorité sont soit interdites, donc opprimées, soit, au mieux, diminuées dans leurs pratiques. Il en est de même sous des régimes théocratiques. Les exemples sont multiples dans notre histoire, comme le montrent les conflits entre la science et le droit dit divin. Dans ces cas de figure le droit à l’athéisme est nié, ainsi que celui d’exercer la critique et les opinions.
La laïcité est donc le modus vivendi qui fâche le moins grand nombre de personnes et qui permet de « limiter » les dégâts liberticides. C’est le seul qui permette aux non croyants de croire, ce qui est une fleur de la part des croyants. S’il vous plait, en y ajoutant une dose de bon sens, si possible. Pour ma part, je me permettrais de me considérer comme « je suis Charlie » parce que notre système en dépend, tout en me réclamant « anti Charlie Hebdo ». Et le meilleur moyen d’exprimer mon opinion est de ne pas lire ce « journal ».
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