Réaction, à chaud bien entendu, à un débat qui secoue la république en ce moment. Il s’agit du débat au grand conseil sur l’adoption ou non de l’écriture inclusive dans l’administration genevoise. Avec des arguments parfois douteux, de part et d’autre. Un fait patent, les pros « inclusif » sont souvent de sensibilité de gauche, alors que les antis sont majoritairement de l’autre côté de l’échiquier politique. Comme si les minorités que cette gauche défend changent en fonction des saisons. La dictature du prolétariat, à l’origine de beaucoup de clivages semble être dépassée. La défense des minorités « raciales » n’est, elle aussi, plus d’actualité. Comme s’il fallait idéologiquement toujours défendre la veuve et l’orphelin du moment. Aujourd’hui ce seraient les femmes. Les autres opprimés seraient-ils hors de danger ?
Le classement de l’égalité homme-femme du WEF qui a fait reculer la Suisse de huit places, n’utilise certainement pas des critères basés sur l’orthographe
Excusez-moi Mesdames, je ne fais ni ne soutiens quoique ce soit de patriarcal. Bien au contraire, il me semble que l’utilisation de mots épicènes est souhaitable, comme celle de la féminisation de titres, professions et autres. Bref, tout n’est pas à jeter, même si le neutre latin aurait été plus approprié. Mais je constate un joyeux mélange entre sexe et genre. Je peux être mâle et avoir des orientations homosexuelles, être de tendance bi ou hétéro. Cela n’a franchement rien à voir. Et pourtant, la dérive pointe ici le bout de son nez : il faut écrire de manière à inclure tout le monde, donc ajoutez un x à votre inclusion. Les ils ou elles deviendront donc iel.x.s. Et c’est logique, il faut bien défendre ces minorités également. Mais les défendre contre quoi ? Les insultes, les agressions, les ségrégations bien sûr. Pas de doute là-dessus. Mais le fait-on au bon endroit ? Ce n’est pas sûr … D’ailleurs le classement de l’égalité homme-femme du WEF qui a fait reculer la Suisse de huit places, n’utilise certainement pas des critères basés sur l’orthographe.
De plus, il n’est pas certain que les minorités soient les seuls dépositaires de la bienveillance. Une anecdote pour illustrer mon propos. L’autre jour un client d’une enseigne de lunetterie genevoise s’adresse à un vendeur à couleur de peau crème. Un autre client, à peau bleue, s’adresse, quelques minutes plus tard, à ce même vendeur, toujours occupé avec le premier client. Ce nouveau client s’entend dire de patienter. Ce deuxième client s’énerve et traite le vendeur de raciste. Vous me retorquerez que la souffrance de ce vendeur n’est rien en comparaison de celle, accumulée pendant des siècles, de ce client à la peau bleue. Je me permettrais cependant deux bémols : le vendeur n’était pas obligatoirement un tortionnaire et le client n’a pas, lui, forcément souffert de ces tortures. C’est la définition même du racisme, n’est-il pas ? Mais cela n’intéresse personne. Une minorité qui souffre est politiquement correcte, ce qui n’est pas le cas des douleurs d’élément de la majorité. Plutôt que de soulager les souffrances et les souffrants, on préfère soulager les minorités, c’est plus sexy.
Pour en revenir au débat féministe, la cause me parait noble, malgré mes disgressions ci-dessus[1]. Mais la langue française et son orthographe ne sont pas la bonne place pour défendre ces causes. Une autre anecdote ? La voilà : une femme genevoise m’a expliqué préférer le port du voile et la religion de l’Islam. Choix qui, à priori, ne devrait pas m’interroger plus que cela. C’est la justification utilisée qui m’a vraiment interpellé : « je suis plus à l’aise contre les agressions sexuelles éventuelles en me cachant. Et les membres de ma communauté me défendront bec et ongles ». C’est cela pour moi la mauvaise place. Cette personne devrait se sentir protégée quelle que soit son habillement et sa religion. Et non parce qu’elle fait partie d’une minorité … Un petit exercice pour terminer ? Essayez de rendre ce texte inclusif, sans en changer la substance …
[1] Un état de la situation qui décrit assez bien le travail à faire : C. Bornatici, J.-A. Gauthier & J. -M. Le Goff (2021). Les attitudes envers l’égalité des genres en Suisse, 2000-2017. Social Change in Switzerland, N°25. doi: 10.22019/SC-2021-00001
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